Le développement de l’intelligence artificielle (IA) reposait jusqu’à récemment sur des briques logicielles installées sur des grands serveurs informatiques centralisés (cloud). L’avenir se dessine désormais aussi en local de l’objet connecté aux systèmes et installations industrielles. Cela impose d’embarquer directement l’IA au plus près de son usage.
Pour ce faire, cette IA embarquée doit répondre à de nombreux critères : performance, sobriété et confiance. La performance et la sobriété sont essentielles pour permettre d’embarquer l’IA dans les objets ou systèmes eux-mêmes, réduisant ainsi drastiquement les besoins en communication et d’énergie associée, mais imposant par là des contraintes fortes sur la performance des composants électroniques.
Ces systèmes souvent critiques, se doivent alors d’être « de confiance » notamment pour garantir la sûreté (absence de défaillances présentant des risques pour les personnes, les biens ou l’activité économique), la sécurité (cybersécurité, protection des données), la robustesse et la fiabilité des mécanismes de décision des applications d’IA. Concrètement, la confiance se décline sur tous les éléments de construction des systèmes d’IA : les données et les connaissances utilisées, les algorithmes choisis, la conception et la mise en œuvre des systèmes logiciel et électronique. C’est la capacité à bien identifier les risques et à argumenter toutes les phases du processus de développement qui permet de qualifier, et certifier les systèmes à base d’IA pour in fine justifier la confiance auprès de ses utilisateurs.
L’orientation stratégique poussée par l’Europe est celle d’une IA au service de l’industrie et de la société avec des garanties de confiance et d’efficacité. Cette orientation fait de l’IA de confiance et de l’IA embarquée des enjeux particulièrement stratégiques. La performance fonctionnelle, (en reconnaissance d’images par exemple), étant maintenant excellente, les acteurs internationaux (entreprises, universités et organismes de recherche), cherchent désormais à lever les verrous technologiques d’explicabilité, de frugalité et de robustesse notamment, qui conditionnent leur passage à l’échelle industrielle.
Ces initiatives internationales et européennes contribuent en effet à bâtir des standards et des régulations protectrices à l’échelle mondiale, étapes essentielles au déploiement industriel de l’IA dans de nombreux secteurs : des véhicules autonomes aux réseaux de surveillance (pollution, sécurité, etc.) en passant par la robotique manufacturière, le contrôle industriel et les systèmes pour la santé. Assurer la « confiance » des intelligences embarquées, c’est assurer à la fois l’acceptabilité des nouveaux systèmes par les usagers et un haut niveau de performance, sobriété, qualité et sécurité.
En France, la Stratégie nationale pour l’IA (SNIA) définit les axes stratégiques de recherche et développement sur ce sujet.
Nous avons été parmi les premiers acteurs à souligner l’importance des enjeux liés à l’IA de confiance et à l’IA embarquée. Nous sommes ainsi à l’origine de la construction et l’animation de workshops spécialisés dans trois grandes conférences internationales (en IA, et en ingénierie de la sûreté). Nous avons été également un des premiers organismes de recherche à créer deux programmes dédiés à ces verrous. Ce positionnement s’explique d’abord par un lien très fort avec l’industrie, d’où une culture d’identification et d’anticipation des besoins des entreprises, et ensuite par nos compétences historiques en confiance logicielle (sûreté de fonctionnement, méthodes formelles, ingénierie logicielle, cybersécurité), systèmes embarqués (micro-nanoélectronique, photonique, capteurs…) et bien sûr en intelligence artificielle (vision, traitement automatique des langues, analyses du signal, deep learning, systèmes experts).
Notre collaboration avec l’équipementier automobile Valeo illustre bien notre démarche de R&D globale autour de l’IA : nous avons développé une fonction d’aide à la conduite qui associe plusieurs technologies à base d’IA, les embarque dans un véhicule et en qualifie le bon fonctionnement. L’histoire a commencé en 2016, lorsque le CEA a remporté le challenge international Kitti portant sur la détection et la localisation de véhicules dans une image, dans un contexte de conduite autonome.
Le potentiel énorme de la technologie, tout comme la capacité du CEA à accompagner le transfert industriel ont séduit Valeo qui a créé un laboratoire commun avec le CEA. L’objectif : produire des résultats opérationnels pouvant être intégrés dans les démonstrateurs de véhicule autonome de l’équipementier. C’est aujourd’hui le cas, puisque le CEA a développé les performances de son IA capable dorénavant de détecter en temps réel, à 360° autour du véhicule, tous les éléments de l’environnement (piétons, autres véhicules, etc.). Nos travaux portent sur la définition d’une architecture électronique embarquée optimale, des outils d’optimisation du code dans un contexte de production de masse et la mise en place des méthodologies de qualification de la confiance.
Si les applications d’IA commencent à entrer dans des objets du quotidien, comme les smartphones, certains systèmes de vidéosurveillance, les box multimédia, les tondeuses automatiques, mais aussi des dispositifs médicaux comme les pompes à insuline ou des robots de désinfection, la mise en place du cadre réglementaire qui en garantit la confiance n’en est qu’à ses débuts, ce qui limite fortement leurs usages. De même, les applications un peu poussées (l’analyse d’image pour le contrôle qualité en usine, l’optimisation de trajectoire ou de freinage, la gestion du trafic, etc.) requièrent une puissance de calcul plus importante pour leur déploiement.
Nous disposons d’une recherche solide tant au niveau des algorithmes que des systèmes et des technologies, en plus de notre bonne connaissance des besoins industriels.
Notre atout différenciant est de couvrir toute la chaîne de la valeur, en partant des données, et en identifiant les algorithmes les plus adaptés à leur traitement. Nous utilisons ensuite les outils adéquats pour optimiser l’utilisation de ces algorithmes, et leur déploiement sur les composants électroniques, qu’ils soient disponibles sur le marché ou développés spécifiquement, prenant en compte les contraintes de l’embarqué, liées notamment à l’énergie, à la mémoire disponible et aux coûts. Ce déploiement peut s’appuyer sur la conception d’architecture dédiée intégrant des processeurs spécifiques et adaptés aux besoins des calculs de l’IA.
Enfin, pour aller encore au-delà et anticiper les exigences de sobriété et de performances toujours croissantes, nous développons de nouvelles technologies de micro-électronique (par exemple d’intégration 3D, d’électronique bioinspirée, etc).
Le CEA a mis en place trois plateformes pour couvrir l’ensemble des problématiques de l’IA :