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MULTIMOD’AIR, un concentré d’innovations pour une plateforme autonome de mesure et de prévision de la qualité de l’air

© Freepik
Et si l’on pouvait prévoir facilement des épisodes ponctuels et très localisés de pollution de l’air ? Le CEA a mobilisé de nombreuses expertises pour développer le premier prototype de la plateforme de capteurs MultiMod’Air. Embarquant plusieurs technologies disruptives, robustes et sobres en énergie pour détecter notamment les polluants émergents, il intéresse déjà les industriels.

La pollution de l’air extérieur provient essentiellement des particules fines et des concentrations de différents composés volatiles (oxydes d’azote, ozone), scrutées par les agences de surveillance de l’environnement. Mais qu’en est-il des polluants dits émergents, par exemple ceux issus du secteur agroalimentaire (famille des glyphosates), d’autres industries (ammoniac, chlore) et du trafic urbain ? Pour l’heure, la réglementation n’impose pas de les détecter, notamment parce que les technologies actuelles ne sont pas assez fiables et matures et que leur niveau de qualification entraîne un coût élevé. Par ailleurs, la description complète de la qualité de l’air extérieur nécessite une multitude de capteurs et le traitement simultanée et en temps réel de leurs données.

Plusieurs équipes du CEA ont décidé de relever ce défi en lançant le très innovant projet MultiMod’Air : une plateforme de mesure et d’analyse de la qualité de l’air extérieur, intelligente, autonome en énergie et déplaçable. Les mesures effectuées sont associées à des données météorologiques et à un traitement informatique par intelligence artificielle (IA) afin de fournir des prévisions de pollution atmosphérique, en tenant compte des concentrations mesurées de polluants émergents et du taux de rayonnement gamma.

Il ne s'agit pas de concurrencer les agences de surveillance mais bien de leur proposer des solutions innovantes et surtout compétitives, tout en développant une méthodologie de traitement des données et un outil de prévision des évènements de pollution.

Martine Mayne

Directrice de recherche au CEA-Iramis et co-pilote du projet avec Sébastien Morilhat, ingénieur du CEA-Iresne. —

Des capteurs de gaz colorimétriques miniatures et de rayonnement très avancés

Initié en mars 2022, le projet a livré son premier prototype, composé d’un réseau de points de mesure localisés basés sur des capteurs commerciaux bas coûts (O3, NO2, particules fines PM2,5), auxquels ont été associés de nouveaux capteurs chimiques pour mesurer les concentrations. Les chercheurs du CEA ont développé des capteurs spécifiques de l’ammoniac (NH3) avec une technologie optique multi-puits miniatures sobres en énergie. Ils ont également mis au point le système optique, l’électronique de lecture et le traitement des données de ces capteurs (électronique, logiciel et intelligence artificielle associée).

Le réseau embarque également des capteurs de rayonnement gamma pour la mesure de la radioactivité ambiante, réalisés par le CEA-Irfu. Issus de développements d’instrumentation spatiale pour la recherche astrophysique, ces capteurs miniaturisés et de haute performance spectrale sont couplés à des algorithmes d’analyse en temps réel.

Des technologies de croisement de données multiples en temps réel

Du côté du CEA-List, la R&D a porté sur la télétransmission en quasi temps réel des informations issues de ce réseau vers une base de données, elle-même connectée au logiciel de visualisation développé par ailleurs. Grâce à l’expertise de ses ingénieurs, l’ensemble du réseau de points de mesure est orchestré par des technologies numériques destinées à croiser des données multiples. Une carte électronique développée spécifiquement pour la plateforme et jouant le rôle de « cerveau » du système, permet un traitement des données en local, au plus proche des capteurs, grâce à un apprentissage automatique par IA, en temps réel et en embarqué. Les algorithmes seront développés par les équipes de CEA Tech Région Sud et de l’Iresne.

« De par la taille et l’interconnexion de ses composants, la plateforme est facilement déplaçable et autonome : les données des capteurs sont directement échangées via des logiciels dédiés qui doivent permettre, en fonction des seuils de détection configurés et des données météorologiques, d’effectuer un suivi en temps réel et d’émettre si nécessaire des alertes. MultiMod’Air pourrait par exemple être installée à l’échelle d’un quartier afin de prévoir le plus finement des évènements localisés et ponctuels de pollution », explique Martine Mayne.

Déployée cet été sur le site CEA de Cadarache pour de premiers tests de fonctionnement en grandeur réelle, MultiMod’Air doit faire l’objet d’une grande expérimentation sur le périphérique parisien et sur un site marseillais à partir du printemps prochain. Plusieurs industriels et agences ont déjà montré leur intérêt pour cette innovation.