Les systèmes wearables (portés par la personne) tels que les montres connectées proposent aujourd’hui différentes mesures en temps réel : nombre de pas, calories brûlées, fréquence cardiaque, mais aussi pression artérielle. Pour ce dernier paramètre en particulier, ces outils sont encore accueillis avec prudence par les sociétés savantes de cardiologie. En effet, s’ils ont le potentiel d’apporter un réel bénéfice pour une surveillance personnelle de la pression artérielle dans la population générale, des études sur les appareils existants révèlent un manque de précision dans les mesures. Ils ne sont donc pas encore recommandés pour la détection et la gestion médicale de l’hypertension. De plus, les systèmes jugés les plus fiables sont aujourd’hui les plus encombrants et les plus onéreux. Les développements technologiques doivent donc se poursuivre1,2,3.
Le CEA-List, en collaboration avec le CEA-Leti et BioMaps, s’est emparé de ce challenge : augmenter la robustesse et la fiabilité des systèmes portés pour la mesure de la pression artérielle tout en réduisant leurs dimensions et leur coût.
Pour mesurer la pression artérielle en continu, il faut pouvoir détecter les changements de volume du sang dans les artères qu’engendre la propulsion du sang par le cœur. « L’association d’une mesure optique de la vitesse de l’onde de pouls et d’une mesure acoustique de la variation du diamètre artériel par ultrasons sont nécessaires », explique Sylvain Chatillon, ingénieur-chercheur au CEA-List.
Un système optique de mesure de paramètres physiologiques porté par la personne est en cours de développement par le CEA-Leti. Reposant sur la photopléthysmographie, il permet d’accéder par la lumière aux variations du volume sanguin dans l’artère en fonction des battements cardiaques. Ce système va intégrer des ultrasons pour apporter des informations complémentaires et rendre plus robustes les mesures physiologiques, notamment de pression artérielle. L’expertise du CEA-List a été mise à contribution pour développer une technologie ultrasonore innovante pour d’une part, optimiser la qualité des signaux tout en minimisant la taille du système, et d’autre part, atteindre la précision de mesure de la pression artérielle attendue. Le laboratoire BIOMAPS du Service Hospitalier Frédéric Joliot (SHFJ) a ensuite assuré une première validation médicale de la procédure de mesure.
Le CEA-List a développé une technologie ultrasonore qui se fonde sur l’échographie : des sondes placées sur le corps émettent des ultrasons qui, en se propageant dans les tissus, réfléchissent des échos différents selon les milieux rencontrés. En analysant ces échos, il est possible de reconstruire une image : en imagerie obstétrique, on pourra ainsi voir un fœtus dans le ventre de la maman. Dans le cas présent de la pression artérielle, c’est l’artère du bras qui est visée et avec laquelle les ondes vont interagir.
Le CEA-List a pu définir, à l’aide de la plateforme logicielle CIVA Healthcare, un dimensionnement optimal de la sonde ultrasonore qui assure le niveau de performances requis pour un système porté au poignet. Pour valider ce dimensionnement, des sondes multiéléments, composées de plusieurs petits capteurs agissant indépendamment, ont été utilisées à BioMaps pour construire une « matrice inter-éléments » correspondant à l’ensemble des combinaisons d’ondes émises et reçues. En parallèle, le CEA-List a conçu des algorithmes permettant de reconstruire une image de l’artère par sommation cohérente des signaux obtenus. En mesurant l’écart de temps entre les échos provenant des parois proximale et distale, situées de part et d’autre de l’artère du bras, il est ainsi possible de mesurer en continu son diamètre et ses variations.
Les algorithmes conçus par le CEA-List ont d’abord été testés à BioMaps in vitro, sur des modèles d’artères en silicone de plusieurs tailles dans l’eau, puis sur l’homme. Ils ont été optimisés pour une détection et une localisation encore plus précise et dynamique des « pics » d’échos de l’artère, à la fois au niveau de ses parois internes et externes. Résultat : ce système a montré in vivo, dans le « monde réel », sa capacité à réaliser des mesures fiables, robustes et rapides du diamètre artériel. Quatre brevets concernant cette technologie par ultrasons ont été déposés, et la publication d’un article scientifique est en préparation.
Le travail en collaboration avec le CEA-Leti va se poursuivre en vue d’intégrer cette nouvelle modalité acoustique dans ce système multimodal porté et évaluer le potentiel, pour ces applications, de technologies des transducteurs ultrasons micro-usinés (MUT) ultra-miniaturisés développés au CEA-Leti. Avec en perspective, des montres encore plus « intelligentes » pour mieux prendre soin de notre santé.
Les bons résultats que nous avons obtenus montrent que nous pouvons transférer et valoriser notre expertise acquise dans le domaine industriel dans l’objectif de répondre à des problématiques de santé pour le plus grand nombre. C’est à la fois très intéressant et une grande source de satisfaction.