Le ³H, le ⁸⁵Kr et le ¹⁴C sont des gaz radioactifs produits par l’industrie nucléaire. Bien qu’ils ne présentent pas de risque majeur, leurs rejets sont réglementés et leur mesure précise constitue un indicateur essentiel pour surveiller le bon fonctionnement des installations. Cependant, ces radionucléides sont des émetteurs bêta purs et nécessitent des procédés de détection et de mesure spécifiques. Les technologies de mesure actuelles, qui reposent principalement sur des principes de mélange gaz-liquide ou gaz-gaz, sont coûteuses, complexes et lentes. De plus, elles nécessitent souvent la mobilisation d’un laboratoire d’analyse et produisent des déchets. Enfin, ces méthodes ne permettent pas de discriminer facilement les émetteurs bêta purs sans recourir à des mesures croisées impliquant plusieurs appareils ou techniques.
Des recherches menées conjointement par l’Institut Lumière Matière (UCBL), le Laboratoire de Chimie de l’ENS Lyon (ENS Lyon) et le Laboratoire National Henri Becquerel (CEA) ont abouti au développement d’une technologie innovante pour la détection en temps réel des gaz radioactifs. Elle est fondée sur la synthèse d’un aérogel scintillant inorganique. Le composite obtenu, transparent, est ultra-poreux (pores d’environ 100 nm) avec seulement 15 % de matière solide. Cette architecture singulière facilite la diffusion des gaz à travers l’aérogel. Lorsqu’un gaz pénètre dans ce scintillateur, l’énergie des rayonnements bêta est convertie en lumière visible.
Le nouveau scintillateur a été intégré dans différents dispositifs compacts et très sensibles, capables de détecter les flashs lumineux et de mesurer chaque photon presque instantanément. Le premier dispositif, dédié à la métrologie, repose sur une nouvelle méthode appelée Compton-TDCR. Il utilise trois photomultiplicateurs et un détecteur gamma associé à un faisceau mono-énergétique, ce qui permet de mesurer le rendement de scintillation et ainsi de quantifier précisément les radionucléides.
Le deuxième dispositif, un prototype plus opérationnel, utilise deux photomultiplicateurs. Bien qu’il nécessite un étalonnage, il permet une mesure en ligne des gaz radioactifs et représente un prototype réellement utilisable sur le terrain, faisant déjà l’objet de brevets.
Avec ces nouveaux dispositifs et méthodes, les chercheurs ont repensé la manière d’analyser les impulsions lumineuses. Contrairement aux approches classiques de scintillation, ils exploitent les propriétés temporelles des signaux, et pas uniquement les comptages. Cette analyse fine des émissions lumineuses a permis de développer une méthode innovante capable de distinguer et de mesurer en ligne les émissions bêta pures de différentes énergies. Il a ainsi été possible de quantifier un mélange de ³H et de ⁸⁵Kr en seulement 100 secondes de mesure. Ces avancées ont été validées tant théoriquement qu’expérimentalement.
Trois brevets ont été déposés portant sur la méthode de discrimination, un prototype de dispositif de mesure des émetteurs béta purs, un dispositif de mesure de radon avec la discrimination thoron.
De longues années de construction et de conception de nouvelles méthodes fondées sur la scintillation ont mené à un résultat très gratifiant.
Une collaboration riche en échanges, dynamique et pluridisciplinaire, ouvrant la voie à de nouvelles façons de faire de la métrologie des radionucléides par scintillation.